Lire : hier ! Lire : aujourd'hui !

A qui la faute ?

Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?

photo 12/13 juin 1999 à Lyon : Incendie de la Bibliothèque Universitaire

- Oui.
J'ai mis le feu là.

- Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.

Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !

As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;
Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !

Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !

 

- Je ne sais pas lire.

Victor Hugo

1802/1885

ps/ images et photos du web

Comments

[Michèle]

je suis très contente d'avoir ici une libraire , nous aimons tant les librairies et nous en Provence nous avons découvert : Le Bleuet à Banon (fantastique) .
bonne nuit
cette nuit la lune est à l'honneur:
http://info.france2.fr/sciences-tech/eclipse-totale-de-lune-ce-soir-69229204.html

[heure-bleue]

Lorsque tu parles de livres, tu parles à mon coeur de libraire...

[Michèle]

tu sais lire et surtout nous écrire des "tartines" si bonnes à déguster !
je viens faute de "grives" me faire encore une bonne sieste pour me shooter à l'oxygène si doux pour mes poumons ..me voilà plongée dans tes lettres de noblesse d'un bon petit Suisse qui ne pesait que 210 g de plus que Rémi ...un bon petit rôti disait son pépé :)
alors comme ça tu nous ferais croire que tu ne sais pas lire !! grand mentor !!

je suis en voie de "ra/papillotage" oui ! car finalement avoir supporter jusque là , à quoi bon se laisser aller (tu vas être d'accord avec moi )
sur ce je vais trier les e mails..et vacher à mes occupations en attendant le travailleur ..

gros , gros bisous et Cybèle te lèche les oreilles (bisous du soir quand Raymond arrive ) Raymond te salue !

[Mickey]

Ah ma Michèle, quel fléau cet illettrisme,

Bon sang, je me souviens que sur le coin de la table de la cuisine, haut comme deux pommes et demies vu que je n'étais pas grand, même quand j'étais petit, (1.250 kg à la naissance, à terme et en 1947, j'ai dû lutter pour vivre... bien quelques mois d'hôpital...) maman, à genoux sur le tabouret lisait le journal local et moi, curieux comme un pou, je lui demandais quelle lettre c'était et elle, me répétait la lettre que c'était et elle répondait à mes questions; si bien que lors de la rentrée scolaire je savais lire et écrire et de mes petits camarades, il s'en est trouvé deux qui ont fini leur scolarité sans savoir lire ni écrire, sauf le strict minimum, juste pour signer et répondre à un questionnaire pré coché...

J'ai toujours eu le respect pour les livres, les beaux, pas ceux que l'on appelait livres de poche et dès l'âge de douze ans je savais que j'allais devenir imprimeur, que j'en ferai mon métier, tant et si bien qu'arrivé à l'âge de vingt ans, j'étais élevé au grade de chevalier du marbre et du composteur... et dans l'imprimerie qui m'employait et m'exploitait, j'ai imprimé pour une maison d'édition tous les Balzac et les Zola, avec une partie de la légende des siècles de Tonton Victor et à chaque jour que je travaillais, je pliais les cahiers et je lisais les textes, jusqu'à un soir de mars 1968 où j'étais plongé dans un roman de Zola que j'avais appris que mon patron me grugeait au point de vue salarial et après avoir arrêté ma batterie de machines j'étais rentré sur le coup des 4 heures à la maison et le lendemain, j'avais été négocier mon nouveau salaire... moi ouvrier qualifié, je touchais 200.- francs de moins qu'un manoeuvre sans formation qui de plus avait à peine 18 ans; je voulais avoir au moins un franc de plus de salaire que lui; ce qui fut fait deux jours plus tard, 4 ans d'apprentissage pour recevoir un salaire de un franc supérieur à celui de ce jeune qui était illettré de surcroît, chose que j'ai apprise quelques mois plus tard.

Lorsque j'ai reçu mon dernier salaire, j'avais préparé ma lettre de congé et fait un calcul de mes indemnités au point de vue vacances... Trois jours plus tard, c'était le lundi 25 mars, j'arrivais à Paris pour y faire la révolution et pour y apprendre à vivre.

Qu'est-ce que cette tartine a à voir avec l'illettrisme me demanderas-tu avec raison?

Ben le jeune homme qui avait déclenché involontairement cette tempête était venu trouver mes parents, pour prendre de mes nouvelles, surtout pour que je lui donne des cours, afin qu'il sache lire et écrire et, à mon retour de la Ville lumière au début juin, on s'est attelé à la tâche jusqu'à ce qu'il y ait un déclic pour que le courant de tout ce qui était débranché chez lui fonctionne à nouveau et en un mois, d'une feuille maculée de signes et de lettres auxquels il n'y comprenait rien, il s'était pris d'intérêt pour plier et découper ces cahiers et à les dévorer et surtout à noter ce qu'il ne comprenait pas et à aller compulser le dictionnaire...

Plus tard, une cliente de ma belle-mère venait fréquemment au magasin pour acheter quelques légumes, mais aussi fréquemment pour que j'y lise sa correspondance car elle avait oublié ses lunettes, chose bizarre, cette charmante dame n'avait pas une trace de lunettes sur son nez, mais c'était notre secret...

Tout ça pour te dire qu'il ne faut surtout pas de réforme de l'orthographe, car on ne saura plus du tout l'origine d'un mot ou sa signification si l'on ne met plus d'accent; même certains profs qui enseignent dans nos écoles ne savent plus lire et ce qui est plus grave plus écrire, faisant confiance à un correcteur orthographique et non à leur cerveau.

Allez Michèle, heureusement que le français compte encore un grand nombre d'amoureux, mais faut pas se laisser aller, pour ne pas que la langue de nos pairs et de nos pères devienne une langue morte, remplacée par le rosbif européen ou par le corned beef des amers Ricains...

Ah Michèle, c'est marrant le français, elle est marrante notre langue car je ne crois pas que dans une autre il y ait d'aussi beaux jeux de mots... Bon après-midi, bisous à toi et caresse à Cybèle et je te dis à la revoyure.

Mickey

[Michèle]

même une petite "bavette" bien taillée c'est très sympa !
Gros bisous
c'est bien ces jeunes qui n'ont pas le temps de s'ennuyer : ils taillent toujours plus :)